Un palais devenu musée : repères historiques
Ancienne forteresse capétienne dont les vestiges médiévaux sont encore visibles au sous-sol, le Louvre devient palais royal à la Renaissance avant d’être transformé en « Muséum central des arts de la République » le 10 août 1793, au lendemain de la Révolution française. Son ouverture au public marque la naissance d’une institution pensée pour l’éducation civique et artistique, nourrie par les collections royales, les saisies révolutionnaires et, plus tard, par les acquisitions et dons qui structurent encore ses départements.
La période napoléonienne redessine fortement le visage du musée, renommé « Musée Napoléon » en 1803, puis réorganisé après 1815 avec la restitution d’une partie des œuvres spoliées. Au XIXe siècle, l’achèvement du « Nouveau Louvre » sous Napoléon III — reliant le palais des Tuileries au Louvre — amplifie l’échelle du complexe, même si l’incendie des Tuileries en 1871 modifie durablement l’ensemble architectural. Les campagnes de restauration et d’extension menées au XXe siècle culminent avec le « Grand Louvre », lancé en 1981 et inauguré par phases, qui relocalise le ministère des Finances, rouvre l’aile Richelieu en 1993 et offre une nouvelle entrée emblématique sous la Pyramide d’Ieoh Ming Pei, inaugurée en 1989.
Aujourd’hui établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Culture, le Louvre revendique une mission patrimoniale, scientifique et éducative affirmée, sous la direction de sa présidente-directrice Laurence des Cars depuis 2021. Avec environ 72 735 m² d’espaces d’exposition et près de 35 000 œuvres présentées, il demeure un acteur central de la diplomatie culturelle française et un pôle de recherche en histoire de l’art et en conservation.
Des collections encyclopédiques
Le Louvre se distingue par son spectre chronologique et géographique couvrant l’Antiquité à 1848, réparti en huit départements : Antiquités égyptiennes, Antiquités grecques, étrusques et romaines, Antiquités orientales, Arts de l’Islam, Peintures, Sculptures, Objets d’art, et Arts graphiques (Département des Arts graphiques), ce dernier accessible principalement par consultation ou expositions temporaires. Cette structuration, stabilisée au fil du XXe siècle puis complétée par la création du département des Arts de l’Islam en 2003, répond à une logique scientifique qui organise la conservation, l’étude et la diffusion des œuvres.
Parmi les pièces les plus célèbres, la Joconde de Léonard de Vinci demeure un point d’attraction majeur, exposée dans la Salle des États après une rénovation du parcours et de la scénographie en 2019. La Vénus de Milo, la Victoire de Samothrace installée en point haut de l’escalier Daru, le Code de Hammurabi, la Psyché ranimée par le baiser de l’Amour de Canova, ou encore la Galerie d’Apollon restaurée au XXIe siècle, figurent parmi les jalons d’un récit muséal qui conjugue chefs-d’œuvre et approfondissements thématiques. Cette diversité, alimentée par des campagnes d’acquisitions, des dépôts et la politique de mécénat, fait du Louvre un musée encyclopédique au sens classique et contemporain du terme.
Le musée a fortement investi le champ numérique, ouvrant sa base « Collections » en ligne avec plus de 500 000 notices consultables, rendant accessibles aux chercheurs, étudiants et curieux les informations essentielles sur les œuvres, leurs provenances, et la bibliographie associée. Cette démarche d’open access, renforcée depuis 2021, soutient la transparence scientifique et la diffusion des connaissances, tout en complétant l’expérience in situ par des ressources fiables.
Chefs-d’œuvre emblématiques
La Salle des États, qui abrite la Joconde, a fait l’objet en 2019 d’une réorganisation de la circulation et d’une nouvelle mise en peinture bleue, accompagnée d’un caisson vitré haute performance répondant aux normes de conservation et de sécurité. La Victoire de Samothrace, restaurée et réinstallée en 2014, illustre l’attention portée à la lisibilité des sculptures majeures dans les circulations monumentales. La Galerie d’Apollon, écrin des Diamants de la Couronne, témoigne de la vocation palatiale et décorative du lieu, et a bénéficié d’une restauration intégrant études historiques et interventions contemporaines.
Aux Antiquités, la salle du Code de Hammurabi offre un aperçu spectaculaire des systèmes juridiques mésopotamiens, tandis que le département des Antiquités égyptiennes, issu pour partie des collections rassemblées à l’époque de Champollion, présente un panorama de plusieurs millénaires, du prédynastique aux époques ptolémaïque et romaine. En peinture, les écoles française, italienne, espagnole, flamande et hollandaise composent un corpus de référence où dialoguent Poussin, Delacroix, Vermeer, Goya ou Titien.
Départements et accrochages
L’accrochage évolutif répond à la fois à la recherche, à la conservation préventive et aux conditions de visite. Les départements disposent de commissariats scientifiques qui programment des rotations, des restaurations et des parcours renouvelés, en écho aux chantiers patrimoniaux et aux prêts internationaux. La création du département des Arts de l’Islam, ouverte au public en 2012 dans la Cour Visconti, a permis de réunir des œuvres allant du VIIe au XIXe siècle, sur un vaste territoire allant de l’Espagne à l’Inde, dans un dispositif architectural distinctif qui préserve la lecture des façades historiques.
Une architecture signature : du palais médiéval à la Pyramide
Le Louvre offre aujourd’hui la lecture stratifiée d’un site en transformation continue, de la salle des fossés et du donjon médiéval aux façades classiques de la Cour Carrée, jusqu’au geste contemporain d’I. M. Pei. Inaugurée en 1989, la Pyramide de verre et d’acier s’impose comme une solution d’ingénierie et de circulation, éclairant un vaste hall d’accueil souterrain et distribuant les trois ailes principales, Denon, Sully et Richelieu. Composée de centaines de panneaux de verre dont le nombre exact a longtemps nourri des mythes urbains, la Pyramide a été conçue pour améliorer l’accessibilité et absorber un trafic en constante progression.
L’aile Richelieu, anciennement occupée par le ministère des Finances, a rouvert en 1993, achevant une étape majeure du « Grand Louvre ». Cette aile accueille une partie des collections d’objets d’art, de sculptures et les appartements de Napoléon III, reconstituant un décor Second Empire qui éclaire l’histoire du goût, des techniques et des usages. La Pyramide inversée du Carrousel du Louvre, inaugurée au début des années 1990, sert d’entrée secondaire depuis le centre commercial attenant et contribue à la distribution des flux, tout en devenant elle-même un repère architectural distinctif.
La Cour Visconti et le département des Arts de l’Islam
Inaugurés en 2012, les espaces des Arts de l’Islam prennent place dans la Cour Visconti sous une couverture contemporaine ondulante conçue par Mario Bellini et Rudy Ricciotti. Cette canopée de verre et de métal ménage des transparences qui respectent les élévations historiques tout en créant des conditions de conservation et d’éclairage adaptées à des matériaux sensibles. La scénographie, articulée sur deux niveaux, déroule un parcours chronologique et géographique, valorisant céramiques, métaux, verreries, textiles, enluminures et éléments architecturaux, dans une approche à la fois scientifique et pédagogique.
Le Pavillon de l’Horloge : comprendre le Louvre
Ouvert au public en 2016 au cœur de la Cour Carrée, le Pavillon de l’Horloge est un centre d’interprétation qui présente l’histoire du palais et du musée, de ses fouilles aux grands chantiers modernes. Réparti sur plusieurs niveaux, il combine maquettes, plans, vues d’archives et dispositifs multimédias pour expliquer la stratification du site et la construction des collections. Cette médiation permanente, intégrée au parcours, répond à un enjeu de contextualisation qui accompagne les visiteurs dans la compréhension des lieux et des missions de l’institution.
Médiation et outils numériques
Le Louvre déploie une politique de médiation multiforme qui associe dispositifs sur place, programmation culturelle et ressources numériques. L’Auditorium du Louvre accueille conférences, débats, concerts et projections, prolongeant les expositions et les recherches conduites par les départements. La Petite Galerie, inaugurée en 2015, propose des expositions-dossiers accessibles et didactiques, conçues pour les jeunes publics et les familles, articulant œuvres du Louvre et prêts extérieurs avec une scénographie pensée pour la transmission.
Sur le plan numérique, le musée a développé l’application officielle « Louvre » qui propose des parcours thématiques et des informations pratiques, ainsi qu’une base « Collections » librement consultable, regroupant désormais plus d’un demi‑million d’entrées. Lors de la grande rétrospective Léonard de Vinci en 2019, l’expérience de réalité virtuelle « Mona Lisa: Beyond the Glass », développée avec Vive Arts, a offert une plongée documentaire dans l’histoire matérielle et la réception de l’œuvre, prolongeant la visite par une médiation immersive. Le musée propose par ailleurs des contenus éditoriaux, vidéos, podcasts et dossiers pédagogiques accessibles sur son site, conçus avec les équipes scientifiques pour garantir la fiabilité des informations.
La signalétique interne, refondue par séquences, améliore les repères dans un bâtiment complexe, tandis que des parcours conseillés permettent de découvrir les « incontournables » en un temps limité. Ces outils répondent à des besoins de publics hétérogènes, depuis les visiteurs néophytes jusqu’aux chercheurs, en plusieurs langues et avec des dispositifs d’accessibilité. L’objectif est de faciliter l’orientation, de fluidifier les circulations et d’offrir des points d’entrée multiples dans des collections d’une ampleur sans équivalent.
Fréquentation, accès et expérience de visite
Le Louvre demeure, selon ses bilans, le musée le plus visité au monde, avec 8,9 millions de visiteurs en 2023 après un record historique à plus de 10 millions en 2018. La direction a annoncé la volonté de plafonner le nombre de visiteurs journaliers autour de 30 000 afin d’améliorer les conditions de visite, un enjeu stratégique qui s’accompagne d’une gestion affinée des files et des créneaux. Cette politique s’articule avec une recommandation explicite de réservation de créneau horodaté, destinée à lisser la fréquentation et à limiter les temps d’attente, tout en maintenant des régimes de gratuité et d’exemptions définis par la réglementation en vigueur et détaillés sur le site officiel.
L’accueil principal sous la Pyramide distribue trois ailes et plusieurs itinéraires thématiques, dont ceux qui mènent à la Salle des États, à l’escalier Daru ou aux Antiquités égyptiennes. Pour répondre aux défis logistiques, le musée ajuste régulièrement ses consignes d’accès, ses horaires, et ses parcours conseillés, notamment lors des hautes saisons. Les conseils de visite mis à disposition en ligne et sur l’application facilitent la préparation, tandis que les actualités de service (fermetures ponctuelles, travaux, réaccrochages) sont mises à jour pour informer précisément le public.
La politique de restauration et de prêts prolonge l’expérience au-delà des murs, grâce à des partenariats avec d’autres institutions françaises et internationales, des chantiers de collections et des expositions hors les murs. Sur place, la conservation préventive, la gestion climatique et l’optimisation des flux participent d’un écosystème global qui doit concilier les impératifs de préservation du patrimoine avec l’accueil de millions de visiteurs. La transparence sur les chantiers, la publication de ressources et la médiation de la recherche (colloques, journées d’étude) témoignent d’une orientation scientifique assumée.
Enfin, la présence d’espaces d’interprétation, de la Petite Galerie au Pavillon de l’Horloge, la mise à disposition de l’audioguidage multilingue et l’offre de contenus numériques en libre accès s’inscrivent dans une stratégie de démocratisation et de qualité de visite. Dans un contexte de transition numérique et écologique, la gestion raisonnée de la fréquentation, l’amélioration continue de la lisibilité des parcours et la production de contenus fiables apparaissent comme les clés de voûte de l’avenir d’un musée dont l’histoire épouse celle de la France et du regard porté sur les arts.
Sources
Musée du Louvre — Histoire du palais et du musée. Présentation institutionnelle, repères chronologiques et dossiers sur le « Grand Louvre » et la Pyramide d’I. M. Pei. https://www.louvre.fr/decouvrir/le-louvre/histoire-du-louvre
Musée du Louvre — Chiffres clés et informations pratiques (surfaces d’exposition, départements, fréquentation, accès, réservation). https://www.louvre.fr/visiter
Musée du Louvre — Collections en ligne. Base de données consultable regroupant plus de 500 000 notices, mise à jour par les départements. https://collections.louvre.fr
Musée du Louvre — Département des Arts de l’Islam. Présentation des collections, de la Cour Visconti et de la canopée de Bellini et Ricciotti, inaugurées en 2012. https://www.louvre.fr/decouvrir/les-collections/departements/arts-de-lislam
Musée du Louvre — Pavillon de l’Horloge. Centre d’interprétation sur l’histoire du palais et du musée, ouvert en 2016 au cœur de la Cour Carrée. https://www.louvre.fr/ressources/pavillon-de-lhorloge
Musée du Louvre — Salle des États et présentation de la Joconde (actualités et informations de service sur la rénovation et l’accueil). https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/la-joconde
Communiqué de presse du Musée du Louvre — Bilan de fréquentation 2023: 8,9 millions de visiteurs, tendance et objectifs de qualité de visite. https://presse.louvre.fr
The Art Newspaper — The Louvre to cap daily visitor numbers at 30,000 to improve experience (2023). Article détaillant la stratégie de limitation de la fréquentation. https://www.theartnewspaper.com/2023/01/09/louvre-paris-cap-daily-visitors
Musée du Louvre — Auditorium et programmation culturelle. Présentation des conférences, concerts et cycles en lien avec la recherche et les expositions. https://www.louvre.fr/agenda/auditorium
Vive Arts / Musée du Louvre — Mona Lisa: Beyond the Glass (2019). Présentation de l’expérience de réalité virtuelle développée pour l’exposition Léonard de Vinci. https://www.vivearts.com/collaborations/mona-lisa-beyond-the-glass
